Il est presque ironique que cette collaboration soit due à un virus : lorsque les concerts ont cessé avec la pandémie, le club saint-gallois le Palace a ouvert ses portes pour des résidences artistiques de plusieurs jours. Les musiciennes bâloises Robyn Trachsel et Judith Breitinger d’ASBEST y ont rencontré les musiciens saint-gallois Dominik Kesseli et Michael Gallusser de LORD KESSELI & THE DRUMS. Il en résulte cinq compositions massives qui auraient très bien pu vivre dans l’underground – mais les voilà maintenant menacées d’une distribution exponentielle.
Le menaçant single ‘Together in Hell’, déjà paru en physique sur une compilation du Palace, est une tirade enragée sur le ‘boomer’ consumériste et compétitif. ‘I’ve got what you don’t have, and you’ve got what I don’t want – worn out, false teeth, life wisdom uncertain’, crie Robyn Trachsel. La réponse de Dominik Kesseli, qui prend la forme d’un refrain radicalement conciliant, est aussi saccharine que glaciale : ‘All we need is what we are, playing games, watching stars – together in the sun, together in love, together in hell’ .
Celles·x·eux qui connaissent les deux groupes ne seront pas surpris·x·es d’apprendre que les quatre chansons qui sortiront sur l’EP ‘Altari’ à l’été 2023 sont loin d’être roses. L’intro contemplative de près de deux minutes et demie, dont les nappes douces emportent au pays de l’oubli, est suivie par ‘Détruisez Tout !’ : des guitares et des voix qui hurlent, qui pendent comme des sirènes au-dessus du magma massif qu’est la section rythmique. L’instrumental ‘Anarchitect’ est le plus long des quatre titres avec près de neuf minutes au compteur. Doom et bruitisime en guise d’introduction, puis transition vers une mélodie au piano doucement menaçante et d’une beauté troublante. L’EP se termine par ‘Levitate into the Ground’ : est-ce là un animal ou une machine qui respire fort ? Avec sa voix claire et lumineuse, Dominik Kesseli vient clôre le titre.
Asbest et Lord Kesseli & the Drums chantent le malheur, la destruction et le châtiment. Cet EP est une œuvre puissante, créée à une période où le monde traversait une phase hors du commun. Pour cette même raison, c’est aussi une œuvre pleine d’espoir ; jamais nous n’avons été aussi proches de la possibilité d’un véritable changement à long terme que pendant la pandémie.
‘Altari’ est également un signe d’amitié, tant entre les deux groupes et le Palace qu’entre les deux labels : A Tree In A Field et Irascible Records publient l’EP conjointement.
